Comment quitter plus tôt son travail le soir

Imaginez que, ce soir, vous restiez un peu plus tard au travail pour répondre à vos emails. Votre famille vous attend chez vous ou vos amis vous attendent dans un bar.

Vous vous sentez obligé(e) de répondre à ces emails avant de terminer votre journée de travail, cela fait partie de votre métier !

En effet, les emails sont vécus comme demandant une réponse urgente, quasi-immédiate. Il semble donc indispensable de répondre rapidement à ses emails.

Vous restez ainsi une heure de plus ce soir-là, comme bien d’autres d’ailleurs, pour les traiter.

Passer du temps avec votre famille n’est pas ressenti comme urgent, et c’est normal car il sera possible de la voir le lendemain ou le week-end prochain. Ils seront toujours à la maison lorsque vous rentrerez et il y aura d’autres nombreuses occasions.

Est-ce que cette situation vous parle ?

Le traitement de vos emails, ou d’un dossier par exemple, est vécu comme urgent au détriment de votre famille ou vos amis. Cette sensation d’urgence est normale, même si elle n’est pas forcément justifiée.

En fait, vous privilégiez l’urgent à l’important. Car qu’est-ce qui est le plus important pour vous et pour votre épanouissement ? Répondre à quelques messages qui auront un impact probablement très limité ou profiter de votre famille et créer des liens forts avec eux.

Il est évident que la famille est plus importante et pourtant on priorise souvent les emails. 

Une grande part de ce besoin d’urgence provient de notre culture. Rien ne sert donc de culpabiliser, la plupart de votre entourage occidental subit les mêmes influences culturelles de l’immédiateté et ont les mêmes réactions. C’est ce qui entraîne d’ailleurs une réaction en chaîne car c’est perçu comme une norme sociale.

L’urgent l’emporte trop souvent sur ce qui est important. C’est la culture de l’immédiateté qui peut être vue comme une sorte de régression. En effet, l’enfant apprend à ajourner une action produisant une satisfaction immédiate totale pour obtenir une satisfaction différée, distribuée dans le temps. Pour cela, il met en place des mécanismes intellectuels, de jugement, de raisonnement, des compétences pratiques pour obtenir ce résultat. En cédant à l’urgence, nous redevenons des enfants poussés par la recherche d’un plaisir immédiat et rapide, sans chercher à le maximiser, à le partager, à le distribuer dans le temps. 

Claude Riveline, professeur à l’Ecole des Mines de Paris, a écrit « L’urgence ressemble à une drogue : stimulante et même nécessaire à dose modérée, elle peut entraîner de dangereuses accoutumances et devenir hautement toxique. »

Il y a de plus en plus une fétichisation du nouveau pour le nouveau : ce qui est plus récent est forcément mieux, donc désiré. Cela explique partiellement la course aux réponses instantanées aux emails. C’est celui qui a parlé en dernier qui a une prime, indépendamment du fond de la réponse.

La rapidité devient un but plus grand que la qualité et la réalisation.

En occident, la réduction des durées et des délais est donc bien vécue comme un but.

La culture occidentale privilégie l’urgence, la rapidité d’action, le temps court. Il faut aller plus vite que le temps, contrairement à d’autres cultures, orientales ou arabes par exemple, où le chemin est plus important que l’atteinte du but.

Dans certains pays, la palabre, assemblée réunissant les membres de la communauté pour débattre et prendre des décisions, est un élément essentiel du processus de mûrissement d’une décision. L’important n’est pas la décision, mais le chemin pour y arriver, afin que toute la communauté soit en accord. Je pense que cela ne vous parle et à moi non plus car dans le monde occidental, l’important est la décision, la décision à tout prix !

Pour vous aider, je vous conseille d’effectuer votre auto-diagnostic de votre relation aux urgences.

Afin de pouvoir évaluer comment vous réagissez face à elles, je vous propose de réaliser cet exercice. Il vous permettra de mieux comprendre si vousy succombez facilement et comment y remédier.

Sur une feuille de papier, notez chaque tâche que vous avez accomplie en urgence dans la journée ou sur les derniers jours.

Puis, regroupez-les en thématique (répondre aux emails de mon chef, prendre les transports en commun pour rentrer chez moi le soir, répondre à un client…).

Essayez alors de déterminer les causes externes / exogènes de ces urgences : votre chef vous harcelle d’emails, j’ai des réunions trop tardives, le client Dupont a des demandes trop fréquentes…

A partir de cet état des lieux, vous allez trouver des solutions pour résoudre ou réduire les conséquences de ces causes : vous mettre d’accord avec votre chef sur des modalités de fonctionnement de réponse aux mails par paquet, d’inscrire des réunions fictives dans votre agenda le soir et refuser les réunions trop tardives, de déléguer les réponses basiques de premier niveau à votre client à un collègue moins expérimenté…   

Bon auto-diagnostic. Et n’hésitez pas à partager vos commentaires, vos constats, vos cris de joies juste en-dessous.

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